Le 1er mars 2017, la Commission européenne a présenté son livre blanc sur l’avenir de l’Europe, qui représente sa contribution au débat sur l’avenir de l’Union ainsi qu’au sommet de Rome du 25 mars 2017.
Le « certificat de naissance de l’Europe à 27 » comme le dénomment les conseillers de la Commission européenne, ne propose pas de réponse clé en main, mais esquisse cinq scénarios possibles à l’horizon 2025 : s’inscrire dans la continuité, se recentrer sur le marché unique, mettre en place une Europe multipliant les coopérations, se concentrer sur quelques domaines jugés prioritaires et, enfin, effectuer un saut fédéral.
Depuis sa présentation, ce texte a fait couler beaucoup d’encre : jugé décevant, sans ambition, dépourvu de contenu voire inutile, les critiques ont fusé. Or, avant de rejeter en bloc les propositions de l’exécutif européen et afin d’en évaluer toute la portée, il est primordial de replacer cette publication dans un contexte plus large afin de l’interpréter comme le geste politique qu’elle constitue :
L’exécutif européen n’a attendu ni la tenue des élections néerlandaises, ni les célébrations pour les soixante ans du Traité de Rome, comme initialement prévu, pour présenter son livre blanc. Face au séisme du BREXIT, à la montée des extrêmes en Europe, à une désinvolture croissante des citoyens européens, aux craintes liées à la mondialisation, à la tentation d’un repli sur soi, et face aux divergences de vues persistantes entre les États membres – malgré les rencontres de Bratislava en septembre et La Valette en février -, l’intention affichée par la Commission est clairement de réorienter le débat en jetant les bases d’une réflexion commune, positive et constructive sur le futur du projet européen.
De plus, la Commission a préféré le Parlement européen au Conseil afin de rendre public son livre blanc, un choix qui a fait grincer des dents les représentants du Conseil. Or la double symbolique de cette décision est indéniable : il s’agit tout d’abord pour l’exécutif, dans un contexte où de plus en plus de gouvernements se montrent ouvertement hostiles au processus d’intégration européenne et accusent « Bruxelles » de tous les maux, de mettre les États face à leurs contradictions, de les forcer à jouer cartes sur table et de les obliger à s’exprimer sur leurs attentes envers l’Union européenne. Pour aller au bout de sa logique, la Commission a pris soin de ne pas afficher de préférence pour l’un ou l’autre scénario. Ensuite, en présentant le livre blanc au Parlement européen, la Commission a également fait le choix de prendre à témoin tous les citoyens européens et de mettre en exergue une énième fois que ce n’est pas la Commission qui impose, qui dicte ses décisions aux États membres, mais qu’en fin de compte, par le pouvoir accordé au Conseil, ce sont bien les États qui décident de l’avenir de l’Union européenne.
Finalement, cette décision reflète également la volonté de l’exécutif d’intégrer tous les citoyens dans ce débat paneuropéen. En effet, le livre blanc ne marque que le coup d’envoi d’un long processus de réflexion : la Commission prévoit non seulement de publier une série de feuilles de route d’ici l’été afin d’encourager les discussions mais aussi de lancer des consultations publiques, des dialogues citoyens ainsi que d’organiser des « Débats sur l’avenir de l’Europe » dans tous les États membres.
En fin de compte, l’on peut critiquer le contenu du livre blanc autant que l’on veut – d’ailleurs même la Commission est consciente que ce document d’une trentaine de pages n’équivaut pas à des changements de traités, pour lesquelles, selon les mots de Juncker, « la volonté collective n’existe pas aujourd’hui ». Cependant le livre blanc a le mérite de pousser non seulement les gouvernements, mais également les parlements nationaux, la société civile, le milieu universitaire, bref, les citoyens, à prendre conscience de leurs devoirs et de participer au débat proposé par l’exécutif européen. La balle est dans le camp des cinq cent millions d’Européens – car comme le dit l’adage : qui ne dit mot, consent.